Septembre 1968 : Nous partons au poste EDF de Bauzemont qui se trouve dans le département de Meurthe et Moselle, à une centaine de kms de chez nous. Anne Marie me dépose au chantier et sa mission est de trouver où nous loger. Sa première mission sera réussie car à midi, elle me cherche et m’emmène dans un petit studio qu’elle a trouvé au village. Un bon nettoyage reste à faire et tout sera parfait. Quant à moi, sur ce site, je ne connais personne. Je vois que ça bouge beaucoup car les travaux sont en retard. Le week-end, nous rentrons à la maison chez Anne Marie. Ce chantier se termine rapidement pour moi, alors que notre petit logis est impeccable. Ma nouvelle affectation est déjà arrivée.
Octobre 1968 au 11 Novembre 1968 : Nous partons au poste EDF de Saint Avold dans le département de la Moselle. Pour Anne Marie, il faut à nouveau retrouver de quoi se loger et elle trouve un deux pièces à l’Hôpital (dernière localité et dernière maison à une vingtaine de mètres de la douane sarroise d’Allemagne) dans la même maison que les propriétaires. Pour la mission, nous ne sommes que deux, un chef de chantier et moi. Le travail consiste à faire des modifications de câblage dans la salle de contrôle du poste et nous sommes au chaud. A cette saison, le temps est très humide et il y a du brouillard très dense presque tous les jours. Anne Marie fait deux fois par jour les navettes pour me conduire au boulot. Je décide de passer rapidement mon permis de conduire. Nous ne sommes pas très loin de chez Anne Marie, on rentre le samedi. Je vais voir la dame de l’auto-école qui peut me prendre dans la foulée. Je fais donc ma première leçon et à peine démarré, elle me dit : « vous, vous avez déjà conduit et quelques km plus loin, pas de doute, je ne me suis pas trompée mais vous avez tout faux car vous faites n’importe quoi ». Je lui explique que j’ai conduit en Syrie sans permis et elle me reprend en me disant, si vous gardez ces habitudes, vous n’aurez pas votre permis. Anne Marie et la propriétaire qui est sympa et qui connaît bien les douaniers, vont se promener et faire les courses en Allemagne car c’est bien moins cher qu’en France. Elle profite aussi pour faire le plein d’essence et ramener des habits pour les six filles de sa sœur. Une fois encore, ce ne sont pas de gros travaux et nous savons que la mutation n’est pas très loin. Elle ne tarde pas et nous devons partir dans le sud à la mi-novembre. Pour le permis, la session est le dernier samedi où nous sommes encore là. Je le passe sans faire d’erreurs et voilà que l’inspecteur me dit : « comme c’est la première fois que vous le passez, je ne peux pas vous le donner ». Comme je savais que l’on partait, je l’ai traité de nom d’oiseaux et je lui ai claqué la porte de la voiture au nez. Et toujours pas de permis de conduire.
11 novembre 1968 à mars 1969 : Cette fois, ce n’est plus la porte à côté car nous partons à L’Ardoise, petite localité qui se trouve dans le Gard à une dizaine de km de Bagnols sur Cèze et pareil d’Avignon. Nous partons dans la nuit du 11 Novembre, Colmar, Beaume les Dames, Belfort, Besançon, Lyon. Après Lyon, il y a quelques morceaux d’autoroute jusque Orange. Faute d’avoir obtenu mon permis, Anne Marie conduit tout le trajet.
Arrivés dans l’après-midi, on trouve une location à Saint Geniès de Comolas, à 4 km du lieu de travail. La propriété où nous sommes en location est en limite avec la cour de récréation de l’école du village. Ce n’est pas très grand mais pour nous deux, ça suffit (les propriétaires sont des viticulteurs).
Le chantier : Cette fois, nous ne travaillons pas pour EDF. C’est un poste privé qui appartient aux aciéries Ugine Kuhlmann (fabrication d’aciers spéciaux) qui deviendra par la suite Péchiney. Ce poste est à l’identique d’EDF à la seule différence que les lignes aériennes sont remplacées par des câbles qui cheminent en galeries. Sur le site, ils vont alimenter d’énormes fours où l’on met en fusion différents aciers. Sur ce chantier, nous faisons des modifications de câblage et l’agrandissement du poste. Le samedi matin est travaillé.
La région : Pour nous, c’est une découverte avec une grosse différence de climat, pas de froid ni de brouillard (sauf que quand le mistral se met à souffler en janvier et février, il pénètre partout et on est glacés). En général, période de trois, six, neuf jours. Si neuf jours, ça devient très dur à supporter. Les sorties pour visiter la région ne vont pas manquer car beaucoup de choses à voir : le Pont du Gard, Avignon avec le palais des papes, la place de l’horloge avec ses restaurants à l’extérieur, le pont Bénézet, Fontaine de Vaucluse, Orange, les saintes Marie de la Mer, Aigues Mortes avec ses remparts, la Roque sur Cèze avec ses gorges et son café au village où le dimanche après-midi, un conteur nous récite ses poésies, Nîmes, le Grau du Roi, etc…).Le dimanche, nous allons manger au restaurant. Il y en a un pas très loin sur les berges du Rhône où c’est bien. Mon chef a trouvé une pension à l’Ardoise dans un petit restaurant où la patronne s’entend bien avec Anne Marie. Le mercredi est son jour de repos et l’après-midi, elles vont faire les magasins à Avignon. Parfois, je passe chez elle et j’achète deux repas que l’on mange à la maison. Moi, je vais m’inscrire pour à nouveau passer mon permis de conduire à l’auto-école de Bagnols sur Cèze et j’explique à la monitrice mes déboires en Alsace. Je lui fais comprendre que j’ai besoin de ce permis pour des raisons professionnelles. Je prends quelques leçons de conduite et je le passe. Je fais au moins une faute et l’inspecteur me le donne tout de même. Je suis persuadé que la monitrice a parlé en ma faveur. Je penserai à elle en lui ramenant un petit cadeau à l’occasion. Mon permis en poche et le dimanche, nous voilà partis à Marseille avec Anne Marie qui n’est pas très rassurée. Le but était de retrouver mon oncle qui m’avait dit quand je l’avais vu pendant mon service militaire « si un jour tu viens à Marseille, tu vas sur la Canebière au bar le Lido et tu demandes M JO ». Je me suis donc rendu au bar du Lido en début d’après-midi et j’ai demandé M JO. Après avoir dit qui j’étais, le barman me dit que c’est trop tard car il passe tous les jours en fin de matinée. Tant pis, on a un peu visité puis on est rentrés. On fera une autre tentative plus tard et ce sera la bonne. J’ai aussi une cousine à Nice, mariée à un Niçois. On partait le samedi après-midi pour aller les voir et on rentrait tard le dimanche soir. Les fêtes de fin d’année sont passées et nous ne sommes pas allés en Alsace.
La caravane : Début de l’année, nous commençons à aller voir des caravanes car on pense que pour nous, c’est peut-être la bonne solution. Après avoir fait plusieurs concessionnaires, celui qui est à Orange et qui fait la marque Cardinal, nous envoie à Milhaud (limite avec le département de l’Hérault près de Montpellier) et on trouve ce que l’on veut. La caravane fait sept mètres cinquante de long avec la flèche. Elle est équipée d’une pièce avec un lit escamotable. Le lit remonté, on rabat une table pliante qui est fixée à celui-ci. Reste une banquette fixe où le lit vient se poser, une cuisine équipée d’un gaz, d’un frigo, d’un évier en inox, d’un chauffe-eau à gaz et des placards. A l’avant, une banquette de toute la largeur, idem à l’arrière avec un rangement et une porte. Un coin toilette avec un WC chimique et un fourneau au fioul à gauche à l’entrée et une distribution d’eau pour la cuisine et les toilettes. Je fais monter l’attache caravane et amortisseurs renforcés à l’arrière de la voiture. Je vais voir le maire qui est aussi le directeur de l’école et vu que j’habite tout près nous ne sommes pas des inconnus pour lui. Vu que j’allais faire l’achat d’une caravane, je lui demande si un emplacement était disponible. Pas de problème, quand vous serez prêts vous vous installez au stade de foot près des vestiaires et vous aurez accès aux douches et toilette. Que demande le peuple ? Je récupère ma caravane à Orange et je m’installe. Sur un robinet extérieur, je branche l’eau courante et dans les vestiaires l’électricité sur une prise de courant. Nous sommes bien installés, le temps passe, une nouvelle mutation arrive.
Avril 1969 à Aout 1969 : Je suis muté au poste EDF de Chailly en Brie en Seine et Marne (pas très loin de Coulommiers). Pour la première fois que je tracte la caravane, ça se passe très bien. A savoir que lorsque l’on se déplace, on n’accroche pas la maison et l’on s’en va. Il y a une préparation à faire, tout caler et protéger par des torchons ou du papier dans les placards (vaisselle, couverts, casseroles, etc…). Ne pas oublier de baisser le lit, enlever les bibelots, attacher les portes de placards et armoires, ne jamais laisser la bouteille de gaz (propane il ne gèle pas) dans le coffre sur la flèche.
En arrivant sur le site et en voyant aux abords du chantier quelques caravanes, on sait déjà que l’on ne va pas rester là (le bruit et la poussière aux passages des véhicules et le manque d’intimité). Nous partons donc au village après avoir décroché la caravane et on voit le maire qui nous reçoit. On lui explique notre souci et on lui demande un emplacement si possible. Il est très réticent mais on ne lâche pas et à force de lui expliquer que nous sommes des gens comme tout le monde et surtout pas des nomades, il finit par nous accepter. Il fait venir le garde champêtre qui nous emmène sur la place du village pour nous faire voir où prendre l’eau et l’électricité. De ce pas, on retourne chercher la caravane et on s’installe. A notre grande surprise, les volets des maisons voisines donnant sur la place se ferment. Pendant tout notre séjour, ils ne seront ouverts que très rarement et bien sûr, pas la moindre discussion avec le voisinage. Conclusion, on est carrément rejetés ?
Le chantier : C’est un poste en construction de grande taille. Sur place, beaucoup de monde. Le génie civil et la moyenne tension qui sont là depuis quelques temps, puis nous la basse tension, les derniers. Je me rends vite compte que sur ce chantier, l’ambiance n’est pas bonne entre les trois conducteurs de travaux. Il y en a un que je connais, c’est celui qui m’avait fait monter sur un portique pour mettre le pendule, les deux autres je ne les connais pas. Le malaise est vite vu. Deux des responsables, dont le mien, sont des anciens baroudeurs qui sont des piliers de bar. Le troisième, un Italien qui lui ne boit pas est un vrai gueulard (je suis poli) qui s’accroche en permanence avec ses deux collègues. C’est dommage, car les trois ont bien la cinquantaine et à leur manière de faire, il est clair qu’ils savent maîtriser un gros chantier et le personnel. Le mien me fera jouer un rôle de chef d’équipe. Pour ma fonction, ça marche, à part quelques anciens qui ne me connaissent pas et qui ont du mal à admettre d’être supervisé par un gamin comme ils disent. Avec mon responsable, ce n’est pas le grand amour non plus et c’est réciproque car on ne s’apprécie pas beaucoup (l’alsacien le vrai, qui se fait remarquer partout avec son accent). Il est accompagné de deux hommes à tout faire (un magasinier et une personne qui fait les courses et les pointages, à éviter car vrai mouchard auprès du chef). Moi, une fois que je voulais partir en Alsace, il m’a fait travailler le samedi matin pour me faire ranger le chantier et ramasser les chutes de cuivre (ça se vendait bien au ferrailleur) sauf que les deux monteurs qui étaient avec moi me disent (c’est un tricheur, il garde l’argent du cuivre pour lui alors que sur les autres chantiers, il est partagé avec toute l’équipe). La vente des chutes de cuivre n’est pas du vol sur nos chantiers et du coup, on a fait un trou et enfoui presque tout ce précieux métal.
Les sorties : C’est la région parisienne et à part aller se promener à Coulommiers, Provins ou Meaux, le tour est vite fait. Une chose dont on se rappelle, la viande était de très bonne qualité et il y avait des boucheries chevalines un peu partout alors qu’ailleurs, elles étaient plutôt rares. Pour cette raison, à chaque fois que l’occasion se présentait, on partait en Alsace dans la famille. Une fois mon beau-frère et ma belle-sœur sont venus nous voir et nous avons passé une journée à Ermenonville à la mer de sable avec sa dune, le zoo et la fameuse attaque du train du far West par les Indiens. A l’époque, c’était la propriété de l’acteur Jean Richard (comédien, acteur dans la série du commissaire Maigret).
Avant que l’on se marie, Anne Marie s’occupait bien d’une de ces nièces, une des six filles de sa sœur qui devait avoir trois ou quatre ans. Une fois, on l’a ramenée avec nous et en se promenant à Meaux, on s‘est aperçus qu’elle se cognait dans les vitrines des magasins. En la ramenant, ses parents l’ont emmenée chez un ophtalmologue. Le verdict est tombé, elle ne voyait que très très peu et c’était de naissance. Pas d’opération possible avant dix ans. Pour la petite histoire, c’est après l’intervention qu’elle a vu pour la première fois de sa vie que les couleurs existaient mais elle n’a jamais retrouvé une vue normale. Nous allions aussi à Franconville chez une de mes tantes. Une nouvelle mutation arrive et nous partons sans regret.
Septembre 1969 à février 1970 : Nous partons au poste EDF d’Airvault dans le département des Deux Sèvres et je tracte ma caravane pour la deuxième fois sans problème. Pour la traversée de Tours à midi, la galère déjà à l’époque. Sur place, pas de problème de stationnement, nous restons au poste EDF où tout est prévu et en plus il est bien isolé du village.
Le chantier : Nous sommes quatre et je ne connais personne sauf le responsable que j’ai connu en Syrie. Notre prestation : deux nouvelles lignes moyennes tension sont créées. A nous, l’installation du matériel nécessaire, y compris le câblage et la modification du tableau de commande. Pour l’ambiance, on s’entend très bien, rien à voir avec le chantier précédent.
Les sorties : Nous découvrons la région et il y a de quoi visiter aussi : Poitiers (son église notre Dame de la Grande, le centre historique, la Cathédrale Saint Pierre, Le palais des comtes du Poitou, etc..). La ville de Thouars et son château, la ville de Niort, de Parthenay, de Bressuire et les marais poitevins. Ceci pour vous dire que l’on ne s’ennuie pas et pas beaucoup de kms à faire.
Pour les fêtes de fin d’année, nous ne partirons pas en Alsace et nous ferons le réveillon avec un collègue et son épouse qui est venue de la région parisienne. La maman d’Anne Marie nous avait envoyés par la poste un colis avec de bonnes choses à manger. Dans ce paquet, du boudin maison, qui lui n’a pas aimé le voyage et à l’ouverture de ce colis, c’était une vraie infection et du coup, on a tout jeté (ce que l’on n’a jamais dit à sa mère). Anne Marie avait aussi acheté des escargots à la boucherie et quand ils étaient prêts à manger, elle m’a fait douter en me disant : je ne les trouve pas très appétissants, c’est peut-être du veau à la place d’escargot et pour finir ils sont partis à la poubelle (à savoir que les seuls escargots que l’on mangeait étaient faits maison). L’hiver passe avec un temps un peu maussade mais pas froid et un matin vers dix heures, Paris nous informe que l’on doit se rendre, mon collègue et moi, au poste EDF de Saint Pourçain sur Sioule dans le département de l’Allier. A midi toute est rangé et nous sommes prêts à partir.
Mars 1970 à juin 1970 : Saint Pourçain sur Sioule. Nous partons en début d’après-midi et faisons la route en une seule traite (400 kms). Mon collègue, qui a l’habitude, roule plus vite que moi et j’ai du mal à le suivre (si cela devait se reproduire un jour, je ferai la route seul). La plupart de mes collègues, qui avaient des caravanes, tractaient avec des voitures Citroën DS20 ou 21 car le gros avantage est qu’elles étaient munies de suspensions hydrauliques. En position haute, la caravane était mieux stabilisée et donc plus facile à conduire. Quant à nous, on va arriver tard le soir et pour se mettre en place, il fallait faire une longue marche arrière. Mon collègue a fait cette manœuvre du premier coup, quant à moi, impossible d’y arriver et c’est lui qui me l’a mise en place. Là encore, tout est prévu eau et électricité.
Le chantier : Ce poste est très grand et il est encore agrandi, c’est le but de notre intervention. Il est à l’écart de la petite ville et sur ce chantier, nous sommes pas mal de monde. Mais en caravane, il n’y a que mon collègue et moi, si je me souviens bien. Pour ces travaux, la plupart des grands déplacés sont logés soit à l’hôtel soit en meublé. Par contre, pas mal de célibataires bons vivants ce qui fait que l’ambiance est très bonne sur ce chantier. Je pense aussi que j’ai peut-être loupé l’occasion de rentrer à EDF car à cette époque, EDF recrutait et était intéressé par des gens comme nous car on avait la connaissance des installations (inutile de vous dire qu’on était embauché sans passer le moindre test). Mais voilà, on était bien payés et le déplacement en plus nous permettait de vivre sans toucher à la paie ce qui rendait la décision difficile à prendre (j’ai donc laissé passer l’occasion).
Les sorties : Nouvelle région et beaucoup de choix de sorties à faire. Vichy, ville d’eau où Anne Marie allait se promener en semaine (même une fois, elle ne retrouvait plus la voiture). Dans l’équipe d’électriciens, j’ai fait la connaissance d’un collègue de travail qui était comme nous de la vallée de la Bruche et son épouse n’avait pas de permis de conduire. Il me dit « passe un soir à la maison boire l’apéro, ce sera l’occasion pour que nos épouses fassent connaissance ». Un soir, nous y allons mais il était tellement enivré qu’il n’a pas pu nous présenter son épouse (moi je savais que cette situation était fréquente). Ceci dit, difficile de trouver plus gentille épouse qu’elle et par la suite, Anne Marie et elle se voyaient assez souvent et elle l’emmenait avec elle faire les courses. Avec eux, on décide de faire un pique-nique (ce qu’ils ne faisaient jamais) au viaduc des fades dans le puy de Dôme. C’est un viaduc ferroviaire au-dessus de la rivière Sioule datant de 1950 qui a 133 mètres de hauteur et 350 de longueur. Les piliers porteurs en maçonnerie font 90 mètres de hauteur et tout le reste en structure métallique. On porte donc le pique-nique et Victor porte un carton. Je lui demande ce qu’il contient et il me répond une télé sur accu car je veux regarder le match de foot. On a mangé puis nous on s’est promenés et lui a regardé son match (pas très sympa). A Pâques, on est partis en Alsace très tôt et il faisait encore nuit chacun sa voiture. Tous les 50 kms, arrêt pipi ou boisson, café et lui après un coup de rouge, une vraie plaie. Arrivés à une vingtaine de kms du village d’Anne Marie, on s’est payé la tempête de neige avec du mal à monter devant l’église. Après les fêtes de Pâques au retour, on ramène la maman d’Anne Marie qui, à 62 ans, n’est jamais partie du village. Donc, on a visité avec elle le Mont Dore (à l’époque, on pouvait accéder jusqu’au sommet en voiture), la Bourboule, le Puy de Sancy, Moulins, Saint Nectaire (où on avait acheté du saucisson dur comme du caillou et du fromage) et bien sûr Vichy. On a aussi fait un tour à Montluçon car son voisin avait de la famille qu’elle voyait au village pendant les vacances et on les a trouvés. Moi, j’avais pris la carte de pêche à la truite à la rivière Sioule. Je me rappelle aussi que le 1er mai, deux célibataires de l’équipe avaient débarqué à la caravane avec un joli bouquet de muguet pour Anne Marie et pour boire l’apéro. Une fois aussi la nuit tombée, j’entendais le coassement des grenouilles et je suis allé à la lampe de poche comme en Alsace. J’en ai ramassé pas mal sauf que c’était des crapauds.
Juillet 1970 à février 1971 : Nous partons au poste EDF de Baud dans le Morbihan (700 kms depuis Vichy). Baud est un petit village et le poste se trouve à la sortie. A gauche, les dernières maisons, à droite le poste qui est petit par rapport à d’autres. Toujours à droite avant le poste, une ferme et un champ de maïs en limite de l’accès du poste. C’est là que je mets ma caravane et quand j’ouvre la porte, je suis à un mètre du champ. Le travail va consister à rénover le matériel en place, intérieur et extérieur. A mon arrivée, il y a déjà une caravane mais ce collègue va partir ailleurs et je reste tout seul. Pour les travaux, nous sommes trois dont le collègue d’Alsace qui a trouvé un meublé. Par la suite, les deux vont être mutés sur un autre chantier et je serai seul pour tous les travaux de finition avec des demandes de coupure du réseau. Ce poste est automatisé et toutes les manœuvres se font à distance.
Notre petite vie : On est très bien et les propriétaires des dernières maisons nous adoptent très vite. Souvent le dimanche, l’un ou l’autre nous apporte un gâteau breton (le far breton). Ce sont des gens très simples d’une grande gentillesse. Leur fierté, c’est la salle à manger de leur maison car tables, chaises, meubles, tout est travaillé et en chêne massif. Personne n’y met les pieds sauf aux grandes occasions (c’est un peu dommage mais c’est magnifique). Un jour, on frappe à la porte, c’était le propriétaire de la ferme et du champ, une personne déjà âgée qui venait nous saluer. On a bien parlé, il était à la retraite et comme personne ne prenait la suite, il louait le champ. Par contre avec son épouse, ils faisaient des poules, des lapins, des œufs. Donc on prenait ces produits chez eux. La première fois que l’on a pris un lapin, avant de le payer, il a fallu qu’Anne Marie ou moi contrôle la pesée car ils ne voulaient pas que l’on croie qu’ils nous volent. C’est aussi là que l’on s’est rendu compte qu’ils ne roulaient pas sur l’or. Tout le bas de leur maison était en terre battue, la cuisine, la pièce de séjour et au fond la chambre avec le lit posé sur des parpaings. J’avais pris une carte et je pêchai dans le Blavet (truite, brochet, sandre, anguille) et j’ai fait de très belles pêches surtout de la truite. Un jour que je cherchais des cigarettes, une affiche m’a interpellé : pour les pêcheurs, ne pas confondre truite et saumon et c’est là que je me suis rendu compte que je prenais quelquefois des saumons croyant que c’était des truites. Quand la pêche était bonne, je donnais des truites au paysan et pour eux c’était du luxe et ça devenait le repas du dimanche. Derrière le champ de maïs, il y avait une petite forêt de châtaigniers et le voisin paysan m’a fait voir comment faire des collets et les poser pour prendre des lièvres (sauf que jamais, je n’en ai pris et j’ai toujours pensé qu’il passait avant moi le matin). A la saison des châtaignes, les voisins passaient en ramasser car c’était le repas du soir avec du lait. On était aussi gâtés pour les fruits de mer et le poisson qui était toujours frais. Souvent le samedi matin, on cherchait des tourteaux et des huîtres. Un après midi, je suis passé à la caravane, j’ai trouvé Anne Marie debout sur une banquette et quand je lui ai posé la question, à savoir ce qu’elle faisait dans cette position, elle me dit : j’ai vu une souris sauf que l’on ne l’a jamais trouvée. Pour le temps, souvent la semaine, il fait beau et le week-end maussade. Pour l’hiver, quelquefois du brouillard et une ou deux petites gelées.
En face de l’entrée du poste, il y avait une fontaine où les voisines faisaient la lessive et une fois que c’était bien gelé, Anne Marie les a vues casser la glace.
Les sorties : Une nouvelle fois encore, une région à découvrir pour nous. Lorient qui est à une trentaine de kms et Vannes guère plus loin. Sainte Anne d’Auray et la Trinité sur Mer. La côte sauvage et Quimper où nous avions été manger au restaurant et où le serveur était tout le temps derrière nous au petits soins, Concarneau etc… Les courses, Anne Marie les faisait à Hennebont, pas très loin. Pendant l’été, nous sommes allés voir un spectacle en plein air avec en avant-première, Sandie Shaw (à savoir qu’elle chantait pieds nus) et ensuite Annie Cordy. Une autre fois, à Pontivy avec en avant-première Philippe Clay et ensuite Mireille Mathieu. Le dimanche, quelquefois on emmenait en promenade avec nous les enfants de la voisine qui allaient se baigner. Un dimanche, nous sommes partis visiter Pornic à plus de cent kms. A l’arrivée, je gare la voiture, on fait quelques pas et j’entends « coucou Jean Paul », c’était une cousine prénommée aussi Anne Marie et son mari Claude qui étaient en vacances. Elle nous dit que ses parents sont là aussi (sa mère Joséphine est une sœur à ma maman et c’est la plus âgée avec son mari Henri). Tout contents de cette rencontre, après nous avoir demandé ce que l’on pouvait bien faire là. Après explication de nous deux, ils nous invitent à manger au restaurant. Eux, s’ils étaient là, c’est qu’ils avaient des amis d’enfance qui résidaient dans leur quartier. Leur fils avait gardé la maison en Alsace, et le couple tenait un hôtel restaurant plutôt bien côté. Leur fille tenait une pâtisserie salon de thé au centre de Pornic. Après un bon repas, la promenade et pour finir le salon de thé. Pour moi, ce n’était pas les vacances, il fallait penser à rentrer. On avait prévu de prendre le bac pour le retour mais trop tard car à vingt heures, il était déjà parti. Donc le retour se fera par Saint Nazaire ce qui va nous faire arriver très tard dans la soirée. Nous sommes aussi partis une dizaine de jours à Falaise en Normandie près de Caen (trois cents kms) pour que je donne un coup de main aux collègues de ce poste qui avaient du retard (nous étions logés à l’hôtel). J’en ai retrouvé un que j’avais connu en Syrie, marié à une chrétienne de Homs (j’avais été invité à son mariage). J’ai vite compris que ce n’était pas si simple que cela la vie de madame en France. Certainement mieux qu’en Syrie pour elle mais je pense que le train de vie n’était plus le même que celui que nous menions là-bas. Quant à nous, on a pu profiter du week-end pour aller se balader et visiter Avranches, Caen et les plages du débarquement.
Nous irons les passer les fêtes de fin d’année en Alsace et nous ferons la route de nuit (neuf cent kms). Les réveillons se passent chez ma belle sœur Thérèse et son mari qui habitent au village à côté de la maman d’Anne Marie et de leurs six filles : Chantal, Patricia, Catherine, Martine, Marielle et Nadine ma filleule. Ils sont contents de nous voir car ce sont les premières fêtes que l’on passe ensemble depuis notre mariage. Bien sûr, nous irons aussi dans ma famille et les journées passent très vite. Après notre retour à Baud et avoir passé sept mois dans cette belle région, il est l’heure de repartir pour la région parisienne que nous n’aimons pas.
Mars 1971 à mai 1971 : Nous retournons au poste EDF de Chailly en Brie près de Coulommiers pour une nouvelle extension. Cette fois ci, on me confie l’ensemble des travaux.
Le voyage : Nous prenons la route (cinq cents kms), mais cette fois ci, des soucis nous attendent. Tard dans la soirée, sur la nationale Le Mans-Chartres (un tronçon à deux voies dans notre sens) dans le département de la Sarthe, un camion se met à me doubler. Je le vois dans le rétro et dit à Anne Marie il est trop prêt, il va nous accrocher ce qui se produisit. Il m’érafla sur toute la longueur de la caravane et la voiture. C’était un ensemble, camion et remorque et par le ballant, le pneu arrière de la remorque est venu frotter sur la caravane et la voiture. Je me suis retrouvé en portefeuille sur la route, plus de feux de position ni d’éclairage. Quant au chauffeur du camion, il a continué sa route, n’a t’il rien remarqué ???? Je pense aussi que comme j’ai vu arriver l’accident, je n’ai pas été surpris et je m’en suis mieux sorti. Le premier routier, qui je pense a vu ce qui s’est passé, s’est arrêté devant moi et le suivant derrière moi. Par chance, je pouvais rouler et ils m’ont accompagné jusqu’au premier village La Ferté Bernard en me disant « on a fait ce que l’on pouvait ». Le hasard a voulu que je sois garé à côté de la gendarmerie. Il devait être onze heures du soir et j’ai sonné. A l’interphone, on me demande s’il y a des blessés et comme il n’y en a pas, on me répond vous ferez votre déclaration demain. D’un commun accord avec Anne Marie, après avoir passé une bonne nuit (vous vous en doutez), on part le matin au lever du jour (pas besoin d’éclairage et tant pis pour les clignoteurs). Pour se rendre à mon chantier, il fallait traverser la région parisienne et je peux vous dire que les usagers de la route étaient plutôt sympas et bien souvent, ils s’arrêtaient pour me laisser passer (vu l’état de la caravane et de la voiture). Bref, nous arrivons à bon port, sauf que j’ai loupé la réunion de chantier avec mon ingénieur d’affaires et le client. Après être installé cette fois au poste, il faut penser à faire réparer tout cela. Je commence par la voiture et ça va très vite. Pour la caravane, je téléphone aux ateliers de réparation qui se trouvent au Mans. Je leur explique l’état de ma caravane et là aussi ils me prennent rapidement, je l’emmène sur place. Bien sûr avant, il faut tout vider et là encore, le responsable EDF est sympa car on fait de la place dans le local technique (mine de rien dans notre cas il y a beaucoup de bazar). Deux jours après, le réparateur me rappelle pour me dire que les dégâts sont plus importants que ce que je leur avais dit. Vu la force du choc sur toute la face latérale, toute l’isolation s’est décomposée et est tombée en lambeaux. Pour finir, toute la face a été changée. Pendant ce temps, on était à l’hôtel à Coulommiers.
Les sorties : Pas plus que la première fois, sauf qu’Anne Marie va quelquefois chez ma tante à Franconville (Thérèse, la plus jeune des sœurs de ma mère et son mari). On invite aussi à la caravane mon cousin Claude et son épouse Michèle qui sont tous les deux profs à Aulnay-sous- Bois. Moi qui sais poser les collets et vu que les caniveaux à câbles du poste sont des gîtes pour les lapins, je tente ma chance et j’en prends un. C’est par téléphone que ma tante nous explique comment le dépecer et le préparer.
Mai 1971 à juin 1971 : Nous partons au poste EDF de Laneuveville devant les Nancy, dans la Meurthe et Moselle (260 kms) et pas de problème pour l’emplacement de la caravane, tout est prévu. Le travail consiste à faire des mises à jour et des modifications de câblage sur les installations existantes. Nous sommes trois et je ne connais personne. Le chef paraît gentil, mais juste en apparence car il trouve toujours des choses à redire sur notre travail. Nous ne sommes pas très loin de chez nous (90 kms) donc on rentre le week-end. Un lundi matin en arrivant, le chef nous prend la tête, je ne dis rien et vers dix heures, je vais le voir en lui disant que je ne suis pas bien et nous rentrons au village. Je vais voir le docteur de famille, côté Anne Marie et je lui explique mon problème. Combien de jours d’arrêt maladie je dois vous mettre me demande le docteur et il me met la semaine d’office. Du coup, j’ai coupé et rangé le bois de la belle-mère, j’ai fait des parties de pêche dans la rivière la Bruche et au ruisseau qui passe dans le village. A l’époque, il y avait de belles truites à prendre et on s’est baladé avec madame. Comme j’avais le statut de grand déplacé (personne sans domicile fixe), on avait toujours la sécurité sociale mais on était rattachés à une caisse spéciale à Paris. Les cotisations et remboursements se faisaient par cette caisse. C’est pour cette raison que je pouvais sortir sans peur d’avoir un contrôle. C’est aussi la seule fois de toute ma carrière professionnelle où je me suis trouvé en arrêt maladie. De retour au boulot, un jour Anne Marie s’est plainte de mal de ventre. Elle a fait des examens à l’hôpital de Nancy, c’était l’appendicite. Vu qu’il y avait une clinique pas très loin de son du village (Schirmeck), elle s’est fait opérer là. L’opération ne s’est pas très bien passée car elle n’a pas supporté l’anesthésie. Moi j’étais au travail et le jeudi mon patron de Paris me demande au téléphone pour me dire que je devais partir en toute urgence en Corse à Ajaccio. C’était pour faire un travail spécifique pour EDF que personne dans l’équipe ne savait faire. Mon billet d’avion était déjà pris pour le lundi. Je lui demande d’attendre afin d’en parler à mon épouse. Je contacte Anne Marie et je le rappelle en lui disant d’accord mais avec mon épouse et la voiture. Au téléphone, un petit temps mort, je pense qu’il n’est pas très content de ma réponse et un « je vous rappelle » ce qui fut fait dans l’heure. « Oui, c’est bon, vous prenez le bateau avec épouse et voiture lundi matin à Nice 1er juillet ». Je pense que déjà à l’époque un vacancier est resté sur le port car j’ai pris sa place. Je termine le jeudi soir et le client est d’accord que je laisse ma caravane sur le site EDF.
Le voyage : Anne Marie sort de la clinique le vendredi avec la recommandation de faire le moins de voiture possible. Nous partirons tout de même le samedi matin et pour la route, on baisse le siège avant de la voiture pour qu’elle soit mieux installée. Je me rappelle de l’hôtel où j’étais en pension lors de l’intervention à la raffinerie de Feyzin suite à l’incendie de 1970 dans les hauts de Vienne. Nous y passerons la nuit. Le lendemain dimanche, nous irons jusque Nice où j’ai une cousine Marie Thérèse et son mari Roland qui nous attendent. Tout se passe bien, Anne Marie supporte bien le voyage pour l’instant mais est un peu fatiguée. Comme prévu le lundi matin, nos places sont réservées pour nous et la voiture, nous embarquons sur le Napoléon pour Ajaccio.
Juillet 1971 à août 1971 : Poste EDF hydroélectrique de Bastélica à 40 kms d’Ajaccio, dans la montagne. Ce poste est d’une ancienne génération et le client veut que le câblage du tableau de commande dans la salle de contrôle soit identique à celui existant. C’est pour cette raison que je suis là car aux ateliers, j’ai pratiqué ce câblage. Je retrouve le chef que j’avais dans la région parisienne la première fois, avec lequel je n’ai aucune affinité, d’autant plus qu’il n’est pas content car il n’a personne dans son équipe pour faire ce travail. Donc, je suis un peu indépendant sur ce chantier et je ne m’en porte pas plus mal. Par contre, je vois vite que les travaux ne sont pas très importants donc le séjour ne sera pas très long.
L’hébergement : Nous sommes tous à l’hôtel restaurant du village et le premier soir, on décide avec Anne-Marie de trouver autre chose (trop de bruit, ils parlent forts et en alsacien, il y a bien la femme du chef mais elle n’est pas intéressante et n’a aucune personnalité). Le lendemain, Anne Marie va à l’épicerie et demande si quelqu’un louait dans le village en expliquant que nous étions à l’hôtel et les raisons pour lesquelles on ne voulait pas y rester. Une dame assez âgée propose un petit quelque chose à deux pas de l’hôtel en lui disant, si ça vous intéresse, on fera un nettoyage. Anne Marie va voir, une cuisine et une chambre et le prend. Le nettoyage sera fait rapidement avec l’aide de ses enfants et lorsque tout est prêt, un joli bouquet de fleurs est sur la table de la cuisine. L’appartement est situé dans la propriété des gens à l’écart de leur maison au-dessus d’un abri servant de rangement de matériel agricole. Devant, un énorme figuier nous fait de l’ombre. Le matin, on se lève et le lait de chèvre est déjà posé devant la porte d’entrée mais on ne l’aime pas beaucoup et quelquefois il y a aussi des fruits. Qu’on ne me dise pas que les corses ne sont pas sympas.
Les sorties : Pour Anne Marie, pas de souci, elle prend la voiture et va à la plage à Ajaccio tous les après-midi (elle a emmené une fois ou deux la femme du chef mais elle était tellement discrète qu’elle a fini par y aller seule). Par contre, le fait d’aller se baigner va permettre à la cicatrice d’Anne Marie, qui n’est pas très belle, de bien cicatriser et elle reprend vite la forme. Le samedi et dimanche, on visite un peu le coin surtout Ajaccio car on évite de faire trop de voiture. A une sortie dans le maquis, on s’est retrouvés encerclés par une horde de cochons sauvages. On est restés dans la voiture, en attendant qu’ils se décident à partir, pour rebrousser chemin. On va aussi visiter le village d’Ocana qui n’est pas très loin. C’est le mois de juillet et il y a beaucoup d’estivants. Août est déjà là et ce sera le retour en métropole.
Le retour : Toujours le Napoléon jusqu’à Nice. J’ai quelques jours de vacances et nous allons nous promener pour rentrer en Alsace. Nice, La Mure où j’étais en 1967 par le col de Barcelonnette enneigé, le lac de Serre-Ponçon, Gap et la nuit à l’hôtel à La Mure. Le lendemain, le Jura en passant par Grenoble et la côte de Laffrey, le col de la Faucille. Nous passerons la nuit dans une auberge de jeunesse près de Pontarlier.
Le troisième jour, retour Alsace. Je récupère ma caravane que je stationne près de la maison d’Anne Marie au village. Puis, il ne me reste plus qu’à téléphoner à Paris pour savoir où sera ma nouvelle mutation.
Septembre 1971 à décembre 1975 : Pour la deuxième fois, nous partons à l’Ardoise dans le Gard. Nous ferons la route en deux jours avec un arrêt à Beaume les Dames. A l’arrivée à Saint Geniès de Comolas, je sais à quelle porte frapper. Je vais voir le maire qui est toujours en place et qui, à nouveau, me propose la place au terrain de foot et je suis seul. Avec nous, car c’est encore les vacances scolaires, ma sœur Marie Jeanne et une de mes nièces Chantal. Nous leur ferons visiter la région (le Grau du Roi, les Saintes Marie de la Mer et bien sûr Avignon). Elles repartiront en train.
Le chantier : Grosse activité et agrandissement du poste. Une fois encore, je retrouve ce chef, qui lui aussi est rentré de Corse, et qui vient juste d’installer les équipements de chantier avec son équipe d’assistés et bien sûr je ne suis pas le bienvenu. Ceci dit, il me laisse faire mon travail de responsable d’équipe. L’hiver passe et au printemps le gros du travail est fait. Quant à mon chef, il ne change pas et est toujours porté sur la boisson. Un jour, il fait la sieste sur le chantier l’après-midi en dormant dans la 403 bâchée, notre véhicule de chantier. Après, tout va très vite. Le client, qui je pense l’avait à l’œil, le prend sur le fait, prend la première personne qu’il voit à témoin et le renvoie sur le champ (je n’ai pas vu la scène). Peu de temps après, je suis demandé au téléphone par notre ingénieur de Paris qui me dit « suite à ce qui s’est passé tout à l’heure, vous sentez-vous capable de prendre en compte et de gérer seul le chantier ? »
Je n’hésite pas une seconde, j’accepte et il termine en disant « le client est d’accord ». Je ne reverrai plus ce chef ni ses deux sbires et avec l’aide de mon ingénieur, je reprends toute la paperasse et les travaux.
Le client vient me voir régulièrement, on va très bien s’entendre. Les anciens de l’équipe, avec ce qui vient de se passer, ne vont surtout pas créer des problèmes à leur responsable de chantier. Le mois qui va suivre, je passerai chef monteur (équivalent à chef de chantier). Les travaux neufs du poste sont en phase de finition mais au programme, des modifications sont à venir et le client fait venir mon ingénieur de Paris pour la visite de chantier plus tôt que prévu. Je vais le chercher à la gare d’Avignon et nous sommes attendus au bureau du client qui nous annonce « voilà, notre personnel de maintenance, qui fait aussi quelques petits travaux avec l’aide ponctuelle d’une entreprise d’Annecy, ne peut plus assumer car il y a trop de travail. Je souhaiterais donc, vu que vous êtes sur place et que des travaux sont encore prévus au poste, que la maintenance et les travaux neufs soient réalisés par l’équipe déjà en place. Bien sûr, nous acceptons. Le premier intéressé, c’est moi car avec Anne Marie nous sommes très bien dans le midi. Pour moi, ça va changer car pour le travail de maintenance je suis payé au temps passé, seul travail, faire signer les heures accomplies. Mais pour les travaux neufs, on doit les chiffrer et donc faire un devis. Le chiffrage se fera à Paris suivant mes données (coût du matériel suivant quantité et temps que j’ai prévu pour exécuter les travaux) soit par courrier, soit par téléphone.
C’est moi qui vais faire les achats de matériel à Pont Saint Esprit où l’entreprise a ouvert un compte chez un grossiste. Au chantier pour finir, il n’y a plus que moi en grand déplacé, j’ai embauché cinq locaux. La 403 est remplacée par une 404 bâchée et la première nuit, on me vole la bâche alors que la voiture touche presque la flèche de la caravane. Tous les samedis matin, on fait casse-croûte (barbecue). C’est le plus jeune de l’équipe qui gère et vu qu’ils sont tous du coin, les bons vins font partie du casse-croûte (Tavel, Gigondas et Château Neuf du Pape), pas de souci. Comme on fait de la maintenance, on doit être disponible si de gros problèmes arrivent, ce qui s’est produit quelquefois. En général, c’est la cuve d’un four qui perce et comme le métal est en fusion, c’est l’incendie assuré dans la zone où il se répand. Dans ce cas, pas de temps à perdre. La zone est sécurisée et on intervient. S’il faut passer la nuit tant pis, on nettoie, ça sent mauvais, on remplace les câbles brûlés, le four est remplacé, je peux vous dire que ça bouge dans le coin. Il y a aussi un train qui fait la liaison entre l’Ardoise et Fos sur Mer, deux à trois fois par semaine, transportant des lingots d’acier spéciaux en fusion (vingt tonnes par lingot). Bref, tout va bien au chantier jusqu’au jour où un ingénieur d’affaires de l’agence d’Aix les Milles (zone industrielle d’Aix en Provence) passe au bureau de notre client à la recherche d’une possible entrée sur le site. Il apprend que notre société est déjà sur place pour les travaux du poste, la maintenance et petits travaux sauf que nous n’avons pas le droit, étant du service poste de faire ces travaux (maintenance et petits travaux sont à gérer par leur service équipement). Bien sûr, ça remonte jusqu’à Paris et le client dit « je ne suis pas concerné, c’est une salade entre vos services et je travaille avec l’équipe à Martin et pas avec le service d’Aix ». Conclusion, chaque fin de mois je dois faire des comptes d’apothicaire (les heures passées pour le compte d’Aix, les frais d’essence partagées, etc.…). Quand il y a beaucoup de travail, on m’envoie du personnel d’Aix les Milles. On me sollicite aussi pour que je quitte mon service pour intégrer leur agence ce que je n’ai pas fait, (j’ai bien fait ou mal fait, je ne sais pas,). A cette époque, il y avait de l’argent à dépenser car chaque année, j’étais convié, ainsi que les responsables des autres chantiers, tous frais payés, au siège de ma société qui se trouvait à Saint-Ouen en Seine Saint Denis. Pendant deux jours, on faisait le bilan des chantiers et le premier soir nos ingénieurs d’affaires avaient pour mission de nous emmener dîner au restaurant et ensuite aller voir un spectacle. Quant à Anne Marie, elle profitait de l’occasion en restant chez ma tante à Franconville. Dans le même ordre d’idée, un jour en arrivant au siège dans la cour, je me suis demandé ce que deux personnes étaient en train de faire ou plutôt de regarder. Il y avait cinq ou six voitures neuves, des 4L fourgonnettes et ils regardaient si les logos TRINDEL, collés sur les portières étaient bien droits. Une autre fois, sans que personne ne me prévienne, un monsieur bien habillé débarque sur le chantier et me dit « je suis l’ingénieur sécurité de la société et je viens de Paris contrôler tout votre outillage y compris échelles, échafaudages, outils portatifs, état du véhicule, etc… Une perceuse est à mettre au rebus et il me demande un marteau pour la casser. Pour finir, je la récupère et elle est toujours opérationnelle à la maison. Pour vous dire que cette personne faisait le tour de France à visiter les chantiers.
Notre séjour : En fait, on nous connaît déjà au village et on reprend nos habitudes comme la première fois. Le maire vient aussi me voir un jour de match, on discute et il me demande, vu qu’il connaît ma profession et sait aussi où je travaille, si je pouvais faire l’entretien des mâts d’éclairage du stade de foot. Je ne peux pas refuser. Au mois de novembre, nous irons à Paris pour le mariage le même jour d’un cousin et d’une cousine (Francis et Catherine, enfants de ma tante Thérèse et de mon oncle Gilbert). Partis d’Avignon le vendredi matin, nous sommes à Franconville (Val-d’Oise) le soir et avec mon oncle le samedi matin nous partons dans la forêt de Saint Leu chercher tout ce qu’il faut pour décorer le garage où a lieu l’apéro (lierre, mousse, branches de sapin). Le soir, le restaurant et après minuit une partie des jeunes dont la mariée, décide d’aller manger la soupe à l’oignon aux halles à Paris. On passe une nuit bien agitée et le lendemain dimanche midi, on est invités à manger chez mon parrain (qui est marié à Louise, la sœur à ma mère) et qui réside à Noisy-le-Sec (Seine Saint Denis). Après le repas, on reprend la route pour Avignon. Je prends la voiture pour sortir de Paris et on s’arrête à la première aire de repos sur l’autoroute. Anne Marie prend le volant et moi je vais dormir ou somnoler jusqu’à destination. L’automne est là, il fait beau dans le midi ce qui nous permet le samedi et dimanche de faire des promenades.